« ECRIRE EN ALLEMAND. POURQUOI ? COMMENT ? »

Comment enrichir l’expression écrite ?

, par Mariette Combarel

En bref

Domaine de travail
Lexique / Ecriture créative / Typologie d’écriture / Planification / Révision / TICE / Interdisciplinarité

Problématique
Comment enrichir l’expression écrite ? Comment amener les élèves à enrichir le lexique ?

Classe / groupe d’expérimentation
13 élèves de 4ème et 3ème bilangue en zep, moins entraînés dans le domaine de l’EE que dans d’autres domaines, majoritairement de niveau A2 et quelques élèves de 3ème dont le niveau tend vers B1 (en CO et CE et parfois en EO). Un élève n’écrit jamais plus de 2-3 mots dans les travaux écrits. Le groupe présentait donc une certaine hétérogénéité. Comment proposer une approche différenciée des activités afin de tenir compte de chacun ?

Projet d’écriture
Les élèves écrivent pour raconter une anecdote mettant en scène J. S. Bach. Il s’agit donc d’un projet d’écriture créative.

Introduction

En EE, le constat est souvent celui de la pauvreté de l’expression : les productions comprennent peu de lexique (notamment peu de verbes, on obtient surtout des verbes génériques, rarement - voire jamais d’adverbes, - y compris en EE en français pour certains élèves de collège) ; les phrases sont majoritairement des phrases simples, parfois des phrases complexes.

Quelles activités sont susceptibles de développer chez les élèves non seulement les connaissances lexicales mais aussi le goût et l’exigence du choix des mots ?
Quel type d’écriture pourrait les motiver à écrire avec le souci d’un lexique « riche » ?
Quelles ressources peuvent être mises à disposition des élèves pour ouvrir les possibilités ?

Une expérience réalisée en lettres par Mme Duvigneau, université de Toulouse le Mirail inspire l’expérimentation : les activités de recherche lexicales, en particulier sur le verbe, pivot de la phrase, stimulent la créativité et favorisent une production plus riche (les verbes appelant des compléments). Voir en annexe

Le point de départ du projet est une pièce de théâtre en français, La Petite Chronique d’A. M. Bach, adaptée du roman éponyme et mise en scène par Hélène Darche au théâtre Douze à Paris. C’est une évocation théâtrale et musicale de la vie de J.S. Bach, au fil du journal intime de sa seconde épouse, incarnée par les cinq comédiennes interprétant la pièce.

La pièce constitue en soi un référentiel dans sa forme et son fonds : l’évocation par un proche de moments privilégiés de la vie du grand homme.

Mise en œuvre de l’activité

Ecriture créative "à la manière de…" la pièce de théâtre La Petite Chronique d’Anna Magdalena Bach

tâche finale : faire vivre un personnage emblématique de la culture germanique à travers le regard d’un proche. (entraîner à l’EE, avec pour objectif le niveau B1)

Des consignes de rédaction sont données :
Votre récit comportera une anecdote détaillée (on doit « voir » et « entendre » les personnages, pour cela soyez précis dans l’emploi du vocabulaire, comme si votre texte allait pouvoir être ensuite mis en scène).
 J-S. Bach sera vu par une personne de son entourage ou l’ayant connu.
 Le récit sera au passé et respectera la forme de l’évocation (voir ci-dessus).
 Une petite recherche sur des synonymes sera perceptible (recherche de verbes, d’adverbes, d’adjectifs autour d’un sentiment dominant, par ex.)

séance 1 :
 objectif du travail en plénière : rédaction commune d’un portrait de JS Bach : description physique, caractère, qualités, défauts… à partir des souvenirs laissés par la pièce. D’autres séquences plus tôt dans l’année avaient été l’occasion de manipuler le lexique de la description physique.
 bilan lexical initial commun autour de plusieurs axes correspondant à des tableaux de la pièce ayant marqué les élèves. Les moments que les élèves ont retenus sont : la rencontre entre Bach et Anna Magdalena - la description physique du compositeur - la perte de nombreux enfants morts en bas-âge - l’amour entre les deux époux - le créateur, le passionné de musique - le maître patient et bienveillant
 Les mots que les élèves ont utilisés pour évoquer les scènes qui les ont marqués servent de tremplin pour leur montrer comment on peut enrichir le lexique de plusieurs façons :

  • en français, autour du thème de l’amour : le verbe aimer, par exemple, peut faire l’objet d’une recherche de synonymes (utilisation d’un dictionnaire de synonyme au CDI, en ligne). Cela a du sens car beaucoup d’élèves disent, à ce niveau, commencent à préparer leur écrit en français.
  • en allemand, une fois que l’on a employé un nom, n’est-il pas possible de rechercher un verbe, un adverbe, un adjectif de le même famille ? (ex : lieben, die Liebe, liebevoll, liebend, liebenswert...)
  • j’ai montré qu’utiliser un dictionnaire de synonymes allemand est également possible : lieben (gern haben , lieb haben, Liebe empfinden für, verehren, verknallt sein, bewundern…). Cette « palette de mots » peut être source d’inspiration.

Reste qu’utiliser le dictionnaire bilingue reste bien sûr incontournable et c’est un objectif premier pour plusieurs élèves du groupe, et une compétence à consolider pour tous à ce niveau.

A la maison, arrêt du choix d’une anecdote et recherche de synonymes d’un champ lexical dominant (français avec obligation de chercher dans différentes classes grammaticales puis recherche en allemand).
Chaque élève a été invité à choisir individuellement une anecdote à traiter. Divers documents avaient été mis à disposition sur l’ENT (livres pour jeunes sur Bach et citations de critiques sur la pièce qui pouvaient donner des idées d’autres anecdotes). Un dossier papier reste bien sûr à disposition.
Pour la plupart des élèves, l’anecdote retenue sera une scène de la pièce qui les aura marqués, pour d’autres, une idée tirée du dossier contenant des ouvrages pour jeunes sur Bach ou (dans un seul cas), le fruit de recherches personnelles...

Séance 2 : travail individuel de rédaction sur ordinateur.
Les séances sont l’occasion de petits entretiens autour du travail de chacun. Ces moments sont l’occasion privilégiée de rappeler certaines règles en fonction des besoins individuels (par ex : construction de la phrase, formation des temps du passé, le pronom relatif...), de guider dans l’utilisation du dictionnaire en ligne, de questionner l’élève sur la cohérence du récit.

A la maison : corrections demandées par le professeur (les élèves ont accès à leurs documents qu’ils ont déposés sur la plateforme de l’ENT). Un surlignement de différentes couleurs indique le type d’erreur à corriger (construction, erreur sur la morphologie du GN ou du GV, erreur de lexique, orthographe).

Séance 3 : travail individuel de rédaction sur ordinateur + conseils individuels du professeur

A la maison : corrections demandées par le professeur

Séance 4 : idem

Evaluation du travail rendu à date fixe.

Bilan

On observe des variations dans la longueur des productions : certains élèves auraient eu besoin de davantage de temps et n’ont pas terminé le travail. Les écrits ne sont pas très longs mais ont une relative densité par rapport à ce qui est généralement produit.

Le degré d’implication dans cette tâche est variable : au départ, la pièce qui m’avait enthousiasmée a reçu un accueil plus que tiède de la part de nombreux élèves. Finalement, trois élèves de 3ème particulièrement faibles ont écrit plus qu’ils ne l’ont jamais fait et ont accepté de réviser plusieurs fois leur travail. Parmi eux :

Thibault

„Ich heiße John Taylor und ich bin Augenarzt.
Ich mich erinnere an J.S. Bach : ich hatte ihn 1749 in Leipzig operiert.
Jedermann hat mich angeklagt, Bach getötet zu haben, aber ich bin Unschuldiger.
Ich habe ihn operieren, wie ich es machen gelernt habe aber das war ziemlich aufreibend zu machen, weil der kleinste Irrtum und der Patient blind werde.
Ich mich erinnere dass, leider, ich gestresst habe und ich habe die Operation verpasst.
Ich habe ihn zwei Mal aber vergeblich operiert, er ist von meinem Fehler blind geworden.
Leute haben mich dann, in einer Oper 1740 lächerlich gemacht.
Ich denke dass, wenn das war zu wiedermachen, ich machte es nicht wieder.“

Thibault est un élève qui avait rarement écrit plus que quelques mots ou, le plus souvent, refusait carrément d’écrire : c’était donc pour cet élève une véritable victoire sur soi-même que d’avoir rédigé ces quelques lignes. En revanche, si on se place du point de vue de l’adéquation aux consignes, la personne évoquée est davantage le médecin que Bach lui-même...

Peu d’élèves ont fait le choix de la création pure et ont préféré s’en tenir à des anecdotes de la pièce ou des documents qui leur étaient proposés. Peut-être cela leur a-t-il permis de mieux se concentrer sur la forme.

Grâce à la forme de travail qui favorise une certaine privauté de professeur à élève, des rappels ou ré-explications concernant le fonctionnement de la langue étaient possibles, afin de répondre aux besoins de chacun.

Il s’agissait parfois d’apprendre ou de réapprendre à utiliser correctement le dictionnaire.
Alicia, qui a vraiment du mal, n’aurait jamais accepté de retravailler son texte plusieurs fois sans ces moments. Cette élève, comme d’autres ont d’ailleurs très peu ou n’ont pas du tout retravaillé leur texte en dehors des séances en classe.

Alicia :

Bachs Bruder :
“Ich erinnere mich eine Nacht, wo ich nicht schlafen konnte. Ich werde sehen gehen, falls Jean-Sebastien gut schlief. Er hatte seinen Schrank offen halten, also ich ging sie schliessen und ich sah also ein kleines Heft, ich machte auf, und ich sah er war füllt mit Partitur von berühmtem Musiker. Ich war wirklich überrascht ! Ich fragte mich wann hatte er die Zeit, alles zu schreiben. Rätseln... Ich ging also aus seinem Zimmer weg, und ich wartete einige Augenblicke... Dann später 30 Minuten, ich sah einen klein Licht beginnen zu glänzen das mir erschien das Licht von einer Kerze sein. Ich sah durch die halb offene Tür. Da war mein Bruder. Ich war zornig, weil er nicht schlief aber ich war auch beeindruckt, weil die Musik so viele Macht auf er hatte ! »

Mégane M.

Brief an Johann Sebastian Bach
Mein Lieber Sebastian,
Ich erinnere mich an das erste Mal als ich dich gesehen habe !
Du spieltest auf die Kirchenorgel und war es so angenehm, dass ich war von dieser Musik erobert, ich beobachtete deine Hände genau. Du spieltest die Noten mit große Feinheit .
Ich glaube bis heute, war ich sofort in dich verliebt... Ich bebte, hatte Schmetterlinge in dem Bauch …
Ich hätte stundenlang bleiben können und zuhören aber du drehtst dir um und da, hatte ich eine elektrische Entladung empfindet, und danach habe ich gerannt. Warum ? Ich weiß nicht.
Seit disem Tag denke ich an dich die ganze Zeit von morgens bis abends !
Ich hatte immer fröstelnd an dein Gesicht denken.Ich hatte das Gefühl dass du mein Gemüt gehemmt hattest : ich konnte nicht schlafen und nichts essen … Ich war wirklich verfallen.
Das sind Erinnerungen, das mir von unser Treffen bleiben[…]
Immer, ich hatte so viel Freude dir zu schreiben !
Ich wusste dass es am Ende Momente Hellsichtigkeit war und ich wollte Dir sagen, dass unser Treffen wird in mein Herz, in meine Lebenserinnerung geprägt bleiben und auch : an diesen Tisch habe ich der Eid gemacht dich zu lieben ewig !
Deine Geliebte,

La démarche décrite ici visait à sensibiliser les élèves à une stratégie d’enrichissement du lexique. Dans cet exemple (Mégane), on peut observer que l’élève a effectué des recherches dans un champ lexical. Mais on mesure également l’écart encore importants entre les ambitions d’écriture (projet) et les capacités à manipuler les outils existants.

D’autres pistes de stratégies d’enrichissement du lexique sont donc à explorer.

Qu’en est-t-il de l’amélioration de la performance en EE ?

Deux constats peuvent être faits :
Premièrement, la relative liberté laissée dans le choix du traitement du sujet motive bien certains élèves.
Deuxièmement, les contraintes de type formel (emploi des temps et des marqueurs temporels) facilitent plutôt la mise en texte : le guidage procure une forme de sécurité tout en donnant l’occasion d’une remédiation ciblée individualisée.
L’amélioration reste relative à cause de la complexité de la tâche. Davantage d’entraînements de ce type seraient probablement souhaitables.

Qu’en est-il du développement d’une stratégie d’acquisition lexicale ?

Plusieurs élèves se servent mieux du dictionnaire. Il serait intéressant d’observer si la démarche de recherche de synonymes effectuée par certains est appliquée dans d’autres situations d’écriture ou d’autres matières, en lettres, par exemple.

Le fait que la pièce ait été vue en français justifie, par la suite, d’exiger des élèves une certaine précision lexicale. Le référent joue ici un rôle de levier à plusieurs titres : motivation, exemplification.

On constate que les élèves utilisent mieux les outils tels que : les dictionnaires bilingues en ligne PONS, Larousse, LEO, …
http://de.pons.eu/dict/search/results/?q=aimer&in=&kbd=en-gb&l*

L’activité permet de proposer l’utilisation de nouveaux outils tels que des dictionnaires des synonymes en ligne : http://synonyme.woxikon.de/synonymliste-deutsch/a.php

L’augmentation du lexique est quand même visible, quoique maladroite, chez certains élèves qui ont suivi la démarche qui leur était proposée. A l’issue du travail, chaque élève a expliqué ce qui a fonctionné ou pas : pour plusieurs, cela a représenté beaucoup de travail, mais pour quelques-uns que c’était intéressant. Thibault a dit qu’il s’était bien amusé. A la question : est-ce que vous pensez que vous en retirerez quelque chose ?, les réponses indiquent que c’est possible.

Pour conclure : peut-être pourrait-on dire qu’entraîner à écrire c’est aussi sensibiliser, puis initier et enfin former l’élève aux différentes étapes du processus d’écriture (conception et planification, mise en mots, étape de réalisation lexicale et syntaxique, révision après lecture, correction orthographique, et enfin mise en forme). Autant de tâches, certaines complexes, qu’on peut envisager d’entraîner de manière dissociée la manipulation du lexique étant l’une des composantes. Aider les élèves à maîtriser des outils et à acquérir des stratégies d’écriture s’avèrent également nécessaires.

Partant de l’évidence que la réussite d’une démarche de formation aux tâches d’écriture doit beaucoup, surtout pour les collégiens, à la récurrence des entraînements, pourquoi ne pas organiser les entraînements à l’EE en interdisciplinarité afin que les élèves prennent conscience que les démarches peuvent être similaires et transférables en fonction des types d’écrit ? Ici, la rédaction d’une évocation aurait pu être associée à un travail en lettres ou dans une autre LV. Le support de la pièce de théâtre aurait pu se prêter à un travail d’analyse en cours de français de la forme des petits tableaux illustrant autant de facettes de la personnalité de Bach. Cela aurait-il conduit à une meilleure performance en EE ? Les élèves auraient-ils été capables de transférer des connaissances d’une matière à une autre ? Comment aurait-on pu les y aider ?

On peut , concernant l’acquisition du lexique lire : « L’aventure du lexique - L’allemand et la construction des compétences lexicales : apprendre, mémoriser, évaluer » Collectif ; CRDP Nord-Pas-De-Calais, qui présente des exemples de CE ou CO comme autant d’occasions de favoriser la reconnaissance de lexique, la découverte de nouveau lexique thématique et l’extraction de lexique opératoire utiles à la production écrite comme orale.

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