Le rôle du professeur dans un échange "Brigitte Sauzay" au collège Exemple d’un mode de fonctionnement

, par Katrin Goldmann

Cette communication a pour but de rendre compte de notre expérience et des conclusions que nous avons pu en tirer depuis que nous organisons des échanges Brigitte Sauzay dans notre établissement, un collège dans l’académie de Versailles. Car bien qu’il s’agisse d’un programme individuel d’échange, l’établissement et le professeur d’allemand ont un rôle important à jouer dans la réussite du projet de l’élève. Je vous présenterai ici le mode de fonctionnement de cet échange dans notre établissement, de la sélection des candidats, en passant par la réunion d’information avec les élèves et les parents, le déroulement du séjour, pour finir par le retour etc. en évoquant les différents problèmes que nous avons pu rencontrer, les solutions que nous avons trouvées ainsi que le recadrage que nous avons pu donner au fonctionnement pour les années suivantes. Le cadrage important que nous donnons à nos élèves a deux raisons essentielles : nos élèves sont très jeunes et nous envoyons plusieurs élèves français en même temps dans notre établissement partenaire.

Nous avons depuis l’année scolaire 2005-2006 régulièrement quatre à six élèves qui souhaitent participer à ce programme d’échange. Le niveau concerné chez nous est à ce jour exclusivement la classe de 4°, le chef d’établissement ne souhaitant pas de départ d’élève en 3° à cause du brevet. Nos élèves de 13 ans environ partent donc en général en mai et juin et nous recevons les Allemands l’année scolaire suivante, en 3°, à la période qui leur et nous convient. Etant donné que nous sommes une petite structure, il ne nous est pas possible de recevoir trop d’élèves étrangers à la fois si nous souhaitons placer l’élève allemand dans la même classe que son correspondant français car nos germanistes sont répartis sur deux classes seulement, et il n’est pas possible de surcharger l’effectif d’une classe.

La sélection des candidats

Actuellement, la sélection des candidats dans notre établissement se fait comme suit. L’élève intéressé rédige une lettre de motivation (co-signée de ses parents pour s’assurer de leur accord … nous avons déjà eu un élève qui n’avait pas du tout mis ses parents au courant !), en général avant les vacances de la Toussaint. L’échange Brigitte Sauzay est bien connu dans notre établissement et dès la rentrée de septembre, les élèves intéressés commencent à se manifester.
Dans un premier temps nous confrontons le nombre de candidats chez nous, au nombre de candidats dans notre établissement partenaire, établissement auquel nous sommes liés par un appariement. Très souvent, nous avons plus de candidats côté français que côté allemand. Un élève intéressé n’est donc pas certain de pouvoir partir. Il est vrai que nous avons décidé de ne proposer cet échange qu’avec notre établissement partenaire, tout simplement parce qu’il est plus facile de résoudre un problème à distance avec des personnes qu’on connaît ou encore parce que nous savons exactement où nous plaçons nos élèves, ce qui rassure énormément les familles. Concrètement, on ne s’opposerait pas forcément à ce qu’un élève parte ailleurs, mais il ne nous serait pas possible d’assurer le même suivi.

En décembre ou début janvier, le chef d’établissement fait circuler un « formulaire d’évaluation des candidatures » (cf. annexe) où le professeur d’allemand et le professeur principal se prononcent sur la motivation, le profil psychologique, la sociabilité, l’autonomie et la capacité de l’élève à travailler seul le programme de 4° auquel il n’assiste pas. Le professeur de maths, de français et d’histoire-géo (matières du DNB) se prononcent seulement sur la capacité de l’élève à travailler seul le programme, notre CPE sur tous les points sauf le travail. Le chef d’établissement procède ensuite avec le professeur d’allemand à la sélection des candidats qui recevront par courrier un « avis de la commission de sélection » qui est très favorable, favorable ou réservé. En cas d’avis réservé, nous recevons les parents pour leur exposer nos raisons.

Le « formulaire d’évaluation des candidats » est utilisé depuis la 2° année de l’échange Brigitte Sauzay dans notre établissement. Nous ne l’avons pas mis en application la première année. Nous, le chef d’établissement et moi-même, étions bien conscients que les collègues allaient dans un premier temps s’opposer à ce projet et émettre un avis dans ce sens. Car tant que les collègues ne savent pas que ça peut bien se passer, en l’ayant vu de leurs propres yeux, il y a une résistance : les élèves sont beaucoup trop jeunes, il est impossible de suivre en 3° si l’on a raté deux mois de cours… Or, justement l’expérience montre qu’il n’y a aucune différence en 3° entre un élève qui n’a pas fini son année de 4° et un autre. Autrement dit, les excellents élèves sont toujours excellents en 3°, les élèves moyens ne sont pas devenus meilleurs mais pas moins bons non plus ! Bien sûr, les élèves Sauzay ont également gagné en autonomie par rapport aux autres élèves.
En ce qui concerne les candidats, nous ne souhaitons pas réserver ce programme qu’aux meilleurs élèves. Ce ne sont donc pas exclusivement les résultats scolaires qui comptent. Un élève moyen a toutes ces chances de partir si le reste de son profil nous paraît adapté à ce séjour.
Une année, nous avons mis ensemble une fille et un garçon. Cela ne s’est pas bien passé. A l’âge de 13 / 14 ans, je crois que c’est à éviter pour des séjours de cette durée.

La réunion d’information avant le départ

Entre les vacances de la Toussaint et les vacances de Noël, j’organise une réunion d’information sur le programme Brigitte Sauzay avec les parents et élèves candidats. Cela permet de répondre à toutes leurs interrogations et de cadrer aussi le fonctionnement. Après une première expérience de cet échange, nous avons décidé de rédiger une sorte de charte, intitulée « programme Brigitte Sauzay, conseils et consignes pour un séjour réussi ». L’élève et ses parents doivent signer cette charte.

En effet, comme nous envoyons plusieurs élèves français en même temps, il est important que les élèves saisissent bien les enjeux et mettent toutes les chances de leur côté pour à la fois bien s’intégrer dans la famille d’accueil et encore tirer au maximum profit de leur séjour pour perfectionner leur allemand. Lors de notre première expérience, les quatre élèves françaises passaient pratiquement tous leurs après-midis ensemble. Cela a été dans un premier temps favorisé par le fait que le maire de la ville leur avait offert une carte gratuite pour la piscine municipale. Les Françaises se rencontraient régulièrement à la piscine. Les familles allemandes n’osaient pas s’opposer à leurs désirs, se sentaient obligés de faire le taxi en permanence (certaines familles habitaient très loin !). Et à la piscine, les Françaises restaient entre elles … Pour finir, trois Allemandes sur quatre ne souhaitaient plus se rendre en France pour faire l’échange Brigitte Sauzay… Bref, nous avons donc décidé de rédiger une charte qui cadre un peu le comportement (cf. annexe). Lors de la réunion, j’insiste bien aussi sur toutes les difficultés auxquelles l’élève sera confronté dans un premier temps : problèmes de compréhension, coup de blues parce qu’il est éloigné de sa famille, tout en rassurant, car l’expérience montre que ces obstacles diminuent avec le temps et qu’au bout de la troisième semaine, on commence à se sentir comme un poisson dans l’eau. Dans la mesure du possible, je fais également venir d’anciens élèves Sauzay, voire des parents d’anciens élèves qui témoignent de leur propre vécu.

Le séjour des élèves en Allemagne

Comme nos élèves Sauzay passent leur séjour dans notre établissement partenaire, nous organisons les dates de notre échange classique avec toutes les 4° afin que nous puissions ensuite laisser nos élèves Sauzay sur place. Cela me permet de rencontrer tous les professeurs principaux des classes où seront nos élèves ainsi que de rencontrer toutes les familles allemandes. Le fait que je rencontre personnellement toutes ces personnes avant de leur « confier » les élèves français pendant une longue période rassure énormément les élèves français et leurs parents car, ne l’oublions pas, nos élèves sont encore jeunes ! J’ai bien sûr les numéros de téléphone des professeurs allemands ainsi que les numéros des familles allemandes. Au bout d’une semaine, j’appelle tous les élèves Sauzay en Allemagne et fais le point avec eux et la famille allemande. Si tout va bien, je me manifeste à nouveau à mi-séjour. En cas de petits soucis, je sers de médiateur entre le Français et son correspondant et/ou sa famille et j’informe et rassure les parents français. Je rappelle aux élèves qu’ils ont signé une charte et qu’ils se sont engagés à respecter, un certain nombre de consignes, comme p.ex. de ne pas refuser systématiquement les activités proposées etc. Je rappelle alors encore une fois la semaine d’après, si c’est nécessaire avant. Je tiens également mon chef d’établissement régulièrement informé de ce qui se passe en Allemagne. En cas de mésentente grave ou incompatibilité – ce qui n’est pas toujours prévisible bien sûr – il faut être prêt à changer l’élève de famille. Là encore, le fait de travailler avec un partenaire que l’on connaît bien facilite les choses ! En tout cas, il me semble évident qu’il n’est pas souhaitable de laisser l’élève gérer ses problèmes seul, même s’il s’agit d’un échange individuel ! Je conseille également à mes élèves de s’adresser en cas de problème en priorité au professeur tuteur en Allemagne, puis à moi, avant même d’avertir leurs parents qui souvent peuvent moins bien les aider que les professeurs.

En ce qui concerne les dates du séjour, nous évitons les vacances d’été. La première année, nous avons fait rester nos élèves jusqu’au 16 juillet. Or, cela nous a posé différents problèmes de prolonger sur les vacances d’été. Assez souvent, les familles ont déjà programmé leurs vacances avant même de savoir que leur enfant participe à un échange Brigitte Sauzay : les réservations sont faites, il n’est pas toujours possible du point de vue de l’organisation ou du budget de prendre une personne en plus. Le quotidien du rythme scolaire facilite les choses pour l’élève français mais encore pour la famille allemande. L’élève français peut se sentir isolé dans sa famille pendant les vacances. Pour les familles, il n’est pas non plus toujours possible d’organiser des sorties ou des visites. Cela peut faire que le séjour pendant les vacances s’avère plus difficile que le séjour sur temps scolaire. Nous avons donc décidé de terminer le séjour des Français au moment où les vacances d’été débutent chez nos partenaires. Ceci n’empêche pas l’un ou l’autre de rester plus longtemps mais à priori, tout le monde rentre à la date prévue.

Au cours des deux premières années de nos échanges Brigitte Sauzay, j’ai également rendu visite à nos élèves à mi-parcours. Certes, ce n’est pas toujours possible – il faut trouver le temps et encore le financement, nous sommes subventionnés par la mairie dans le cadre du jumelage – mais je pense que c’est très utile pendant la période de « rodage » de cet échange individuel.
Pour l’organisation pratique sur place, il est bien de s’assurer à l’avance que les élèves français auront tous les manuels au lieu de travailler uniquement sur un même manuel avec leur corres’ allemand afin qu’ils aient le même statut que les autres élèves. Dans notre établissement partenaire, ce n’est pas un seul professeur de français qui est le professeur tuteur mais chaque professeur de français est le tuteur des élèves français qui sont dans ses classes.

Après le séjour

C’est le temps du bilan. Les élèves ont deux mois pour rédiger leur rapport qui doit être adressé au rectorat et non à l’OFAJ directement. S’ils ne reviennent que pendant les vacances d’été, la date de remise du rapport doit bien être fixée avant le départ. En ce qui nous concerne, nous demandons aux élèves d’adresser leur rapport à l’établissement ; Cela nous permet d’en prendre connaissance, de revoir aussi - si c’est nécessaire - quelques formulations « trop directes » qui pourraient vexer le partenaire si le rapport tombait dans ses mains, et puis de nous constituer un dossier de témoignages pour les futurs candidats.
Je pense donc qu’il est important d’avertir l’élève que son niveau acquis pendant le séjour ne l’est justement pas à vie et qu’il doit l’entretenir pour le maintenir.
Avant les vacances de Toussaint, je fais le point avec les collègues qui ont les anciens Sauzay en 3° pour voir si tous suivent normalement où s’il y a des difficultés. A ce jour, cela n’a jamais été le cas et tous les élèves ont démarré leur 3° sans difficultés.

Le séjour des élèves allemands chez nous

Je me charge de prévenir les équipes pédagogiques des dates de séjour des élèves allemands. Il est entendu avec la gestionnaire que chacun aura son jeu de manuels, sa carte de cantine. La vie scolaire donne un carnet de correspondance. Je reste à disposition des élèves allemands en cas de problème et fais le point avec les familles françaises pendant le séjour, en général par téléphone.

Conclusion

L’échange Brigitte Sauzay est maintenant bien connu par tous les acteurs de l’établissement et favorablement accueilli par les collègues ce qui facilite les choses. Il n’est plus nécessaire de faire la promotion du programme, nous avons toujours un certain nombre de candidats.
Il est vrai que nos élèves choisissent tous de partir pour deux mois, rarement plus de 10 semaines en tout cas. Cela est sans doute dû à leur jeune âge. Des élèves plus âgés resteraient peut-être volontiers plus de temps en Allemagne. En même temps, il faut trouver un juste milieu entre ce qui est utile et agréable en terme de séjour à l’étranger et la charge de travail du programme à rattraper.

Partager

Imprimer cette page (impression du contenu de la page)