Présentation générale et enjeux
L’initiation à la langue allemande pour les élèves de Primaire au Collège Emile Zola de Suresnes est étroitement liée à la section bilangue créée il y a quatre ans.
Dès mon arrivée dans cet établissement à la rentrée 2012, j’ai participé au projet mis en place par mon Principal M. Stenel afin d’augmenter ou de stabiliser les effectifs des germanistes du collège. L’établissement ne propose pas l’apprentissage de l’allemand en LV2 mais une section bilangue allemand-anglais de la 6e à la 3e et une section européenne allemand. L’initiation en Primaire était donc indispensable pour installer l’allemand durablement. Dans un souci de maintenir une diversité de langues, de pérenniser l’apprentissage de l’allemand au sein du collège et de construire un lien fort avec les établissements de Primaire des environs, le collège Emile Zola a mis en place un dispositif sensiblement différent de ce que j’avais déjà pu tester dans d’autres établissements.
Auparavant TZR dans l’académie de Versailles, j’avais déjà participé à des initiations à l’allemand en Primaire en me rendant dans des écoles 2 heures par semaine durant l’année scolaire ou encore, en promouvant auprès des CM2 la section allemand d’un collège lors d’une courte matinée. Le projet du collège Emile Zola s’organise d’une tout autre manière : les élèves de CM2 accompagnés de leur professeur se rendent chaque semaine dans notre établissement durant 2 heures. Le professeur des écoles s’occupe alors du soutien en Français d’élèves de 6e en difficulté tandis que nous prenons en charge sa classe. Les CM2 sont alors séparés en deux groupes : le premier part avec Mme Bourdallé, documentaliste du collège et le second groupe avec moi. Au bout d’une heure, nous effectuons un roulement. Ainsi, les Primaires se familiarisent au fonctionnement et aux règles de vie d’un collège tout en découvrant la langue allemande. Cette initiation dure entre 5 et 10 semaines (la durée varie selon les souhaits et les disponibilités des professeurs des écoles) et elle est proposée aux établissements du premier degré des environs.
L’initiation : contenu et objectifs
Lors de cette initiation, les élèves du premier degré sont sensibilisés à la langue allemande à travers le jeu, le dessin et la chanson. Cette approche ludique est nécessaire avec les jeunes élèves et elle permet la transmission de quelques notions mais aussi l’éveil de l’intérêt et de la curiosité chez l’enfant. L’oral est naturellement privilégié puisqu’il favorise la spontanéité et le dynamisme du groupe mais certaines activités écrites sont aussi proposées et appréciées car les élèves aiment avoir des moments plus calmes. Les thèmes abordés lors de l’initiation sont naturellement orientés vers les intérêts et le quotidien de l’enfant : se présenter, apprendre à compter, la famille, les goûts, les activités, les animaux, les couleurs, les aliments et les fêtes traditionnelles. Je m’inspire principalement du manuel Lilli Marzipan et de la malette Steigt ein du Goethe Institut pour préparer mes cours. Le contenu linguistique d’une initiation est certes modeste mais mon objectif premier reste d’éveiller l’envie d’apprendre cette langue, et non pas de les « submerger » de connaissances. De plus, les jeunes enfants ont toujours plaisir à sortir de mon cours en chantonnant une comptine et ils ont envie de communiquer ce qu’ils ont appris à leur entourage.
Depuis octobre, j’essaye d’orienter davantage cette initiation vers l’entrée en classe bilangue. En effet, j’ai découvert que les élèves du premier degré avaient pratiquement tous reçu une initiation à l’anglais et les enfants font donc naturellement le lien entre les deux langues : « C’est comme en anglais ! » affirment-ils souvent. Face à cette constatation, je me suis donc efforcée de jeter des ponts entre les deux langues. Tout d’abord sur le plan linguistique, lorsque les mots se ressemblent dans les deux langues (les membres de la famille, les animaux, les couleurs…), mais aussi sur le plan culturel : j’essaye de plus en plus de m’appuyer sur leurs connaissances des pays anglo-saxons afin d’introduire la vie en Allemagne - « Que manges-tu au petit-déjeuner ? Et les Anglais ? Et les Allemands ? », « comment fête-t-on Noël en France ? Et aux Etats-Unis ? Et en Allemagne ? ». Cette démarche s’est avérée très efficace car les élèves connaissent davantage la culture anglo-saxonne à travers les films et les séries télévisées. Ils sont ainsi plus à même de répondre à mes questions et se montrent ensuite intéressés par la comparaison avec l’ Allemagne. En outre, la musique s’est révélée comme un excellent moyen pour faire le lien avec la langue anglaise. Les élèves du premier degré chantent toujours avec beaucoup d’enthousiasme et la mémorisation se fait plus facilement à travers les mélodies. Ainsi, j’ai organisé un canon en trois langues (français, allemand, anglais) sur la chanson « Frère Jacques » et j’ai fait un parallèle entre les chants de Noël allemands et anglais : ces deux cours ont eu un grand succès auprès des élèves.
Bilan et réflexion
Au bout d’un an et demi, nous pouvons d’ores et déjà tirer des conclusions de ce projet.
Tout d’abord sur l’organisation même : il est certain que ce projet a rencontré quelques difficultés lors de sa mise en place. L’organisation reste assez délicate puisque le professeur des écoles prend en charge des élèves de 6e, ce qui implique une communication entre ce dernier et les professeurs de Français du collège. Or celle-ci peut parfois être difficile à coordonner : il n’est pas évident de se rencontrer lorsque les enseignants sont dans des établissements différents et que les emplois du temps ne permettent pas de se croiser lors des 2 seules heures de présence au sein du collège. La communication se fait donc par le traditionnel casier - où se trouvent les photocopies et un petit mot d’explication - mais aussi et principalement par le biais d’Internet. Sur ce point, la mise en place de l’ENC92 a grandement facilité la possibilité de communiquer avec les collègues du premier degré car l’adresse de l’enseignant du collège est facile à trouver et la boîte mail systématiquement lue.
Ce projet m’a ainsi amenée à communiquer avec mes collègues du Primaire, ce que je ne faisais pas auparavant. Certes, il est toujours difficile de se voir longuement mais une courte rencontre lors de la pause déjeuner nous permet d’échanger sur le projet et surtout de nous intéresser à ce que chacun fait à son niveau. Dernièrement, un collègue du Primaire nous a expliqué comment il avait changé son approche d’une leçon de grammaire à la suite d’un cours de soutien en collège : il a ainsi pu mettre son enseignement davantage en cohérence avec celui de la collègue du Secondaire. Sur ce plan, cette expérience est très enrichissante, car elle nous amène à nous interroger sur notre enseignement et à nous adapter en conséquence.
Les élèves sont enthousiastes : dans un premier temps très intimidés, ils découvrent pas à pas le collège Emile Zola qui sera pour la plupart leur futur établissement - le CDI, la salle d’allemand, le Principal, le Principal-Adjoint, la documentaliste et le professeur d’allemand. Cette première approche du secondaire est très appréciée des élèves du Primaire. Ainsi, le passage au collège se fait plus naturellement et avec moins d’appréhension : nous avons constaté ce phénomène avec nos actuels élèves 6e qui se perdent moins dans les couloirs et s’acclimatent plus vite à la vie de l’établissement.
Le dernier point positif et non des moindres est l’effectif : j’ai cette année 30 élèves en 6e-bilangue et j’ai dû en refuser. Cette initiation m’a permis de connaître la plupart de mes 6e et de retrouver des élèves motivés et travailleurs. De plus, je connais aussi beaucoup de non-germanistes qui continuent à me saluer en allemand dans les couloirs, ce qui est toujours agréable pour un professeur d’allemand.
Ce projet remplit donc ses objectifs : instaurer un lien avec mes collègues du Premier Degré et stabiliser les effectifs d’allemand dans l’établissement.